En 2019, des locataires ont assigné en justice leur bailleur, réfutant la légitimité de sa résiliation du bail pour le motif « congé pour vente ». Cette affaire, dont l’épilogue a eu lieu le 20 avril 2023, fait état de multiples erreurs dans le bail, responsables de la demande de nullité du congé.
Cette affaire riche en enseignements pour les bailleurs a été relatée par le quotidien Les Echos.
À lire Comprendre le profil de l’emprunteur immobilier : des explications sur mesure
4 raisons légitimes de rompre le bail d’un locataire
Rappelons d’abord que le congé donné à un locataire doit être motivé par le bailleur, comme le note l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Que ce soit dans le cadre d’un contrat de location meublée ou d’un contrat de location nue vous ne pouvez résilier le bail et récupérer votre logement qu’à 4 conditions :
- vous souhaitez l’habiter ;
- vous voulez le louer à des proches ;
- vous souhaitez le vendre ;
- un « motif légitime et sérieux » vous incite à demander au locataire de partir.
Dans ces seules conditions (voir détails dans notre article Résiliation du bail par le propriétaire : les conditions et démarches à respecter), un préavis peut être délivré – au moins 6 mois avant l’échéance du bail dans le cadre d’une location vide et 3 mois dans le cadre de la location meublée – mais il ne prend effet qu’au terme du bail.
La loi exige aussi que « lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d’acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu’au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ». Cette échéance intervient trois ans après la signature du bail pour un bien loué vide ou un an pour un meublé.
À lire Faut-il encore payer la taxe d’habitation ?
Une demande de congé pour vente contesté
Pourquoi le bailleur s’est-il retrouvé devant le tribunal dans l’affaire que nous évoquons ?
L’histoire commence le 20 avril 2018 : le propriétaire d’une maison fait signer un bail à un couple de locataires. Toutefois, 8 mois plus tard, le 27 décembre 2018, ceux-ci reçoivent une demande de départ. Raison invoquée par le bailleur : un congé pour vente. Les locataires ont jusqu’au 3 mai 2019 pour quitter la maison. Le délai légal de préavis de 6 mois est respecté, mais les locataires remettent en cause le motif du congé. Pourquoi ? Parce que si le bailleur leur demande de quitter les lieux si vite après la signature du bail, c’est que celui-ci notait une « location meublée ». Or, « la maison a été louée vide, indique la cour d’Appel d’Aix-en-Provence en février 2022, puisqu’aucun inventaire et état détaillé du mobilier n’est mentionné dans le bail. »
Un bail meublé… sans meubles
Pour sa défense, le bailleur soutient que la maison était bien meublée au départ, mais que les locataires n’ayant pas souhaité conserver ces meubles, le bail a été signé sans en faire mention. Dès le premier jugement, le bailleur reconnaît toutefois son erreur et accepte la requalification du bail en bail nu. Le tribunal d’Instance, puis la cour d’Appel confirment donc, en février 2022, la nullité du congé pour vente.
L’histoire aurait pu s’arrêter là… mais non. Car un logement vide et un logement meublé ne se louent pas au même prix. A surface et caractéristiques égales, les logements meublés affichent un loyer plus élevé. Avec le changement de statut de leur location, les locataires arguent donc que « l’absence de fourniture de meubles doit entraîner une réduction de loyer (de 890 € / mois) de 20 % ».
À lire Préparez-vous : Une augmentation des loyers de 2,47 % prévue pour fin 2024 !
Une requête refusée par les juges. La cour d’Appel d’Aix-en-Provence note, en effet, que cette requête a été formulée « sans apporter la moindre pièce justifiant leur allégation. En outre, bien qu’il résulte de l’article 25-5 de la loi du 6 juillet 1989 que le loyer d’un logement vide est nécessairement inférieur à celui d’un local meublé, les locataires ont signé le contrat de bail indiquant à tort un bail meublé alors qu’ils ne pouvaient ignorer l’absence de l’inventaire et de l’état détaillé du mobilier joints au contrat. » Cette dernière décide donc de débouter les locataires de leur demande de baisse de loyer.
Une erreur dans la surface habitable
Mais le conflit opposant les deux parties ne s’arrête là ! Un autre litige apparaît : une erreur dans la mesure de la surface habitable… qu’ont fait réaliser, à leurs frais, les locataires suite à la réception de la demande de congé. Au lieu de 72 m² de surface habitable indiquée dans le contrat de location, la maison ne fait, en réalité, que 53,56 m², soit une différence de 26 %. L’origine de cette erreur s’explique par la prise en compte, lors du mesurage par le bailleur, d’une pièce aveugle qui n’aurait pas dû être comptée dans le métrage.
Or, l’article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 indique que « lorsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de plus d’un vingtième (5 %) à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l’écart constaté ». La demande des locataires d’abaisser le loyer de 26 %, va-t-elle être, au vu de ces nouvelles révélations, acceptée ?
La cour d’Appel, puis, saisie plus tard, la cour de Cassation, refusent cette baisse de loyer. La cour d’Appel invoque le non-respect par les locataires de la procédure requise pouvant aboutir à la validation de leur requête : « Leur demande a été faite dans leurs conclusions actualisées et adressées par mail à l’avocat du bailleur le 20 mars 2019, dans le cadre du procès devant le 1er juge, note la juridiction d’Aix-en-Provence. Ainsi, aucune tentative de solution amiable n’a été tentée par les locataires alors qu’il résulte clairement des termes de l’article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989 que la volonté du législateur a été de favoriser un règlement amiable de ce type de contentieux. »
De fait, la loi indique que « à défaut d’accord entre les parties ou à défaut de réponse du bailleur dans un délai de 2 mois à compter de la demande en diminution de loyer, le juge peut être saisi, dans le délai de 4 mois à compter de cette même demande, afin de déterminer, le cas échéant, la diminution de loyer à appliquer ».
La cour de Cassation confirme ce refus de baisse de loyer le 20 avril dernier : « le délai de 4 mois est un délai de forclusion, courant à compter de la demande faite au bailleur. De fait, est irrecevable l’action en diminution de loyer formée sans qu’une demande préalable ait été présentée par le locataire au bailleur ». Pour obtenir gain de cause, les locataires auraient donc dû, avant de le demander au Tribunal, adresser au bailleur une demande amiable de baisse du loyer.
L’importance de rédiger un bail en bonne et due forme afin d’éviter la contestation d’une demande de congé pour vente
Démonstration est faite de l’impérieuse nécessité de rédiger un bail comprenant toutes les mentions légales. Gérerseul accompagne ses clients dans cette démarche primordiale pour la sécurité des opérations d’investissement, en proposant des baux clés en mains respectant à la lettre la législation et en donnant régulièrement des conseils agréés par des professionnels de l’immobilier et des juristes.
Pour plus d’informations : Tribunal d’Instance de Cannes, jugement du 19 Juillet 2019 enregistré sous le n° 11-19-0026 + Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Pôle 01 ch. 07 – 10 février 2022 / n° 19/13641 + Cour de cassation, Pourvoi n° 22-15.529 du 20 avril 2023.