Mis en place à l’été 2022, le « bouclier loyer », ce dispositif « temporaire » limitant la hausse de l’indice de référence des loyers (IRL) devait se terminer fin juin. Les parlementaires ont voté sa reconduction au moins jusqu’à la fin du 1er trimestre 2024.
Les députés votent la reconduction du plafonnement de la hausse pour le « bouclier loyer »
La fin du dispositif temporaire approchant dans un contexte de forte inflation (en mai 2023, les prix à la consommation ont augmenté de 5,1 % sur un an), la proposition de loi de prolongation a été inscrite dans l’urgence pour espérer aller au bout de la navette parlementaire à temps, a expliqué le député Renaissance Thomas Cazenave, rapporteur du projet de loi.
Les députés ayant réalisé la première lecture ont décidé, après des débats houleux, de prolonger le blocage de l’augmentation des loyers. Après le vote des sénateurs ( identique à celui de l’Assemblée nationale), les députés ont voté, en 2ème lecture, le 28 juin 2023, la reconduction du blocage des loyers jusqu’à la fin du 1er trimestre 2024.
L’IRL ne pourra donc toujours pas dépasser + 3,5 %, ne suivant donc plus l’inflation, comme c’est le cas d’ordinaire.
À lire Étude annuelle des loyers : les loyers se stabilisent mais les charges explosent
« J’ai pleinement conscience que ce texte est examiné dans des délais restreints et inhabituels », a reconnu dans un article de l’Agence France Presse, Thomas Cazenave en ouverture des débats (le 31 mai) sur son texte, cosigné par les groupes du camp présidentiel (Renaissance, MoDem, Horizons), « mais cela est fait pour éviter que les loyers augmentent de plus de 6 % en juillet. »
Des élus voulaient être plus radicaux avec un gel des loyers, une « année blanche »…
Les partis de gauche reprochent à la majorité ayant voté le texte d’ouvrir la porte à une augmentation, même si elle est limitée à 3,5 %.
« Les locataires ont déjà subi une hausse de 3,5 % et vont connaître avec le dispositif une nouvelle hausse (…). La seule réponse à la hauteur aurait été un gel », a commenté le communiste Stéphane Peu, sur BFM TV. « Nous souhaitions une année blanche », a ajouté William Martinet (LFI).
« Il est impossible de geler des loyers, estime, pour sa part, Thomas Cazenave, afin de conserver un équilibre entre locataires et propriétaires, impactés eux aussi par l’inflation. » Le député a également alerté sur la possible censure du Conseil constitutionnel en cas de gel des loyers ou d’extension trop large du bouclier. Mais cet argument est rejeté par la gauche qui indique que des gels de loyers n’ont pas posé problème à ce niveau, par le passé.
À lire La carte des loyers des Pouvoirs Publics
En tout état de cause, les députés ont voté en première (et seule) lecture cette prolongation et les sénateurs devraient faire de même, d’ici peu. Ce qui signifie que vous, bailleurs, allaient devoir patienter neuf mois de plus pour faire correspondre vos loyers à la hausse du coût de la vie, que vous subissez pourtant bel et bien à 100 %, comme l’a fait remarquer le rapporteur du texte.
Les loyers sont pourtant censés suivre l’inflation…
Lorsque l’indexation est bien mentionnée dans le bail nu ou meublé, le loyer peut être, à chaque date d’anniversaire du bail, revalorisé de l’IRL, évoluant lui-même en fonction de l’inflation. Mais en juin 2022, les Pouvoirs Publics avaient décidé qu’« exceptionnellement pendant un an » l’IRL serait bloqué à + 3,5 %. La courbe de l’inflation était alors en hausse (+ 5,9 % en juin 2022) et allait continuer à grimper. Sans le bouclier loyer, l’IRL aurait d’ailleurs grimpé de 5,69 % au 4ème trimestre 2022, comme nous le relations dans notre actualité. C’est l’article 12 de la loi n° 2022-1158 portant mesure d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat qui détaillait ces dispositions dérogatoires.
Des bailleurs une nouvelle fois « oubliés » dans le cadre de ce « bouclier loyer » !
L’inflation ne pénalise pas que les locataires ! Mais, une fois encore, les Pouvoirs Publics font passer l’intérêt des locataires avant celui des bailleurs… à qui, pourtant, on n’oublie pas de demander de gros efforts en matière de rénovation énergétique de leurs logements locatifs. Alors qu’aucune contrainte ne pèse sur les propriétaires occupants…
Ainsi, les travaux de rénovation énergétique nécessitent-ils des fonds conséquents pour relever les notes du diagnostic de performance énergétique (DPE) validant la capacité des logements à être loués ou pas. Rappelons que depuis le 1er janvier 2023, pour être mis en location, les logements ne doivent pas dépasser un seuil maximal de 450 kWh/m²/an d’énergie finale (en métropole). Les fameuses « passoires thermiques » ayant une note G dans le DPE sont concernées par cette interdiction de location (pour les nouveaux baux).
À lire Etude annuelle des loyers de Clameur
A compter du 1er janvier 2025, le même sort sera réservé à tous autres logements notés G (et qui consomment un peu moins que 450 kWh/m²/an d’énergie finale). A compter du 1er janvier 2028, ce sera au tour des logements notés F d’être interdits de location et à compter du 1er janvier 2034, au tour des logements notés E. A noter qu’outre-mer, ces délais sont aménagés pour s’appliquer à compter du 1er janvier 2028.
Ces grands travaux exigés par les Pouvoirs Publics au moment où les bailleurs subissent aussi de plein fouet l’inflation (les charges et les travaux sont plus chers !) auraient dû jouer en leur faveur et inciter les députés à ne pas reconduire le bouclier loyer… D’autant plus que les bailleurs paieront leurs taxes foncières bien indexées, elles, sur l’inflation (sans bouclier !).