Si les locataires de logements d’habitation n’ont pas le droit d’arrêter de payer leurs loyers pendant la crise sanitaire, les locataires de baux commerciaux, eux, le peuvent, mais seulement dans certaines conditions.
Des règlements de loyers suspendus…
Via l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316, les Pouvoirs Publics ont interdit toute sanction (pénalités financières ou intérêts de retard, dommages-intérêts, exécution de clause résolutoire, activation des garanties ou cautions, etc.) en cas de défaut de paiement de loyers et de charges. Ils ont aussi autorisé la suspension du versement des loyers de certaines entreprises, menacées de faillite par l’arrêt imposé de leur activité. Pour avoir le droit de suspendre le paiement de leurs loyers, ces locataires doivent répondre à certaines conditions :
- être en redressement judiciaire (même si l’activité se poursuit) ;
- être une très petite entreprise (moins de 10 salariés), un professionnel libéral ou une entreprise individuelle (auto-entreprise, SASU…) et exercer un métier se trouvant dans un domaine d’activité suspendu ;
- avoir subi une perte financière – entre le 21 février et le 31 mars 2020 – de 70 % au moins ;
- afficher, en 2019, un volume de vente inférieur à 1 million d’euros / an ou avoir un chiffre d’affaire moyen mensuel n’excédant pas 83.333 € ;
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Ces dispositions s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de 2 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, décrété par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020. Si l’état d’urgence n’est pas prolongé, la date limite de ces dispositions spéciales est donc le 24 juillet 2020.
Attention ! Suspension ne veut pas dire annulation. Les loyers non perçus pourront être réclamés plus tard.
… Problématique pour certains bailleurs particuliers
En liaison avec cette autorisation de cesser le paiement de certains loyers commerciaux, les Pouvoirs Publics ont demandé aux banques d’accorder aux bailleurs ayant des mensualités à rembourser, le report de celles-ci, afin de ne pas être trop pénalisés.
Certes. Mais quid des bailleurs n’ayant plus de crédit en cours et qui vont devoir se passer d’un ou de plusieurs mois de loyers ?
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Les bailleurs tertiaires ne sont pas tous – comme beaucoup l’imaginent – de grands institutionnels propriétaires d’un parc immobilier important. Il existe aussi, notamment en Ile-de-France, beaucoup de propriétaires particuliers qui ne possèdent parfois qu’un seul commerce. La situation est donc, pour eux aussi, problématique.
La non-perception des loyers ne va pas les empêcher de devoir assumer les charges inhérentes à la détention d’immobilier tertiaire (copropriété, etc.). Pour beaucoup d’entre eux, les loyers commerciaux représentent un apport financier indispensable à leurs besoins quotidiens en trésorerie. En effet, comme le choisissent des investisseurs dans l’immobilier d’habitation, de nombreux épargnants choisissent d’opter pour des murs de boutiques pour s’assurer un complément retraite.
En conséquence, beaucoup d’inquiétude de la part des bailleurs privés face à la cessation autorisée de paiement de certains loyers, mais aussi face aux demandes des autres locataires, réclamant, eux aussi, baisse ou report des loyers (quand ce n’est pas l’annulation pure et simple).
Si les bailleurs comprennent, bien évidemment, la situation de leurs locataires, ils peuvent, eux aussi, se retrouver dans une situation délicate. Ils doivent trouver un équilibre entre compréhension des difficultés de leurs locataires et prise en compte de leurs propres possibilités financières. Certains pourront accéder à certaines demandes… d’autres pas.
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La politique annoncée de certains grands bailleurs institutionnels (reculer d’un an le paiement des loyers devant être perçus pendant le confinement ou abaisser temporairement le montant des loyers) ne peut, ainsi, pas forcément être suivie par les bailleurs particuliers.