Le 29 septembre 2023, le Conseil d’Etat a annoncé l’éligibilité de la location meublée au régime Dutreil. Une bonne nouvelle pour les investisseurs souhaitant transmettre des logements meublés à leurs enfants… qui doivent, toutefois, se dépêcher car cette possibilité sera supprimée dès 2024, comme indiqué dans le projet de loi de finances (amendement déjà adopté via l’article 49-3).
Un camouflet pour l’administration fiscale
Saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’État a jugé dans une décision du 29 septembre dernier que l’activité de location meublée peut revêtir une nature commerciale et être donc éligible au régime Dutreil. Jusqu’à présent, l’administration fiscale excluait cette éligibilité, après l’avoir pourtant accepté un certain temps. « L’éligibilité de l’activité de loueur en meublé avait été admise, il y a plusieurs années, comme commerciale pour le bénéfice du Dutreil sur le fondement d’une interprétation doctrinale (via un renvoi à la doctrine en matière d’ISF), explique l’avocat Arnaud Soton, dans une tribune publiée sur le site VillagedelaJustice. La suppression de l’ISF avait ouvert une période d’incertitude à laquelle a mis fin un changement de doctrine en date du 6 avril 2021 : l’activité de loueur en meublé n’est plus éligible au Dutreil. »
La Cour de Cassation, puis le Conseil d’Etat ont donc rappelé à Bercy ce droit des investisseurs à transmettre leurs biens meublés de manière fiscalement avantageuse.
Un Pacte Dutreil très intéressant dans le cadre d’une transmission d’entreprise, en famille
Rappelons que le pacte Dutreil est un dispositif fiscal appliqué lors d’une cession d’entreprise. Il donne le droit de bénéficier d’une réduction d’impôt lors d’une transmission à titre gratuit de titres de sociétés (actions ou parts sociales), d’entreprises individuelles exerçant une activité agricole, libérale, artisanale, commerciale ou industrielle. Il est donc très utilisé pour les transmissions d’entreprises au sein d’une famille.
Le Pacte Dutreil permet l’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit pour la transmission d’entreprises individuelles (art 787 C du CGI) et de sociétés (art 787 B CGI), sous certaines conditions.
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« Sont ainsi exonérées de droits de mutation à titre gratuit à concurrence de 75 % de leur valeur, indique Arnaud Soton, sur le site VillagedelaJustice, les parts ou actions des sociétés éligibles (activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale), transmises par décès ou entre vifs, sous certaines conditions : les parts ou actions de la société transmises doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de 2 ans au jour de la transmission. »
Les hésitations et revirements de l’administration fiscale s’expliquent par le fait que l’activité de loueur en meublé présente une nature hybride : elle est civile, mais aussi commerciale au sens fiscal puisqu’elle est imposable au titre des bénéfices industriels et commerciaux / BIC).
Sauf à ce qu’une nouvelle règlementation ne soit éventuellement prise pour annuler la décision du Conseil d’Etat, les meublés sont donc désormais éligibles au pacte Dutreil.
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Les meublés devraient toutefois être de moins en moins attractifs
Les logements meublés devraient toutefois être moins nombreux à l’avenir, tant les Pouvoirs Publics s’affairent à réduire leur attractivité auprès des investisseurs immobiliers. Nous le décrivions dans de dernières actualités (Meublés touristiques et résidences secondaires : le gouvernement annonce des mesures, Les avantages des logements meublés attaqués par les parlementaires ; les logements meublés sont dans l’œil du cyclone. Instauration d’un prélèvement forfaitaire unique à 30 % (l’abattement de 50 % réservé aux micro-BIC serait donc annulé), suppression de l’amortissement possible du bien et des meubles… le projet de loi de finances pour 2024 abaisse les avantages des meublés. Encore faut-il que ce projet de loi soit voté, bien sûr. Mais, d’après les experts, cela ne fait guère de doute concernant ces amendements immobiliers. Nous confirmerons, toutefois, dès le vote de la loi de finances, la concrétisation de ces changements.
L’objectif des Autorités a été clairement annoncé : inciter les investisseurs à privilégier la location nue longue durée, recherchée par les actifs, dont une partie a du mal à se loger, notamment dans les villes touristiques. L’idée n’est pas de « tuer » le logement meublé, mais de faire en sorte qu’il ne soit plus « plus intéressant fiscalement » que la location nue. En rééquilibrant les avantages entre les deux types de location, l’Etat espère accroître le nombre de logements loués nus, en longue durée.
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