Alors que la mesure avait déjà suscité de vives réactions lors de la campagne présidentielle, à l’heure des législatives, les critiques fusent du côté de l’opposition.
Sensée lutter contre la flambée des prix, l’idée d’encadrer les loyers annoncée comme prioritaire par François Hollande lors de la campagne présidentielle divise. Alors que la mise en place d’un dispositif global d’encadrement serait déjà en préparation, la ministre de l’Egalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot, propose de faire appliquer, dès la rentrée, un décret visant à bloquer les loyers à la relocation dans les zones tendues.
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Autrement dit, les propriétaires ne pourront plus profiter d’un changement de locataire pour élever le montant du loyer. Ils devront se contenter de l’augmentation annuelle prévue par l’indice de référence des loyers (IRL) calculé par l’INSEE sur la base de l’évolution des prix à la consommation. Selon l’Observatoire des loyers, en 2011, la hausse des prix constatés en Ile-de-France a atteint 6 % en moyenne à la relocation tandis que l’IRL n’a évolué que de 1,7 %. Alors qu’à Paris la mesure est déjà appliquée, le décret concernera les autres secteurs où les prix sont excessifs, principalement la région parisienne et PACA.
Une vive opposition
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Si le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, a salué l’initiative : « je me réjouis d’une mesure d’urgence en matière de loyers qui montre que la politique du logement est au cœur des priorités du gouvernement », la déclaration a provoqué de virulentes réactions du côté de l’UMP.
A commencer par celle de l’ancien ministre délégué au Logement, Benoist Apparu, qui juge l’idée « d’une absurdité absolue ».
Pour François Fillon : « encadrer les loyers, ça veut dire qu’il n’y a plus aucun investissement immobilier dans un pays où il y a une crise du logement ».
Et la désapprobation ne s’est pas seulement fait entendre dans les rangs de l’opposition, mais aussi par la voix de Jean Perrin, président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI). Dans une interview accordée à France Soir, ce dernier a exprimé son inquiétude quant aux effets néfastes que peut entrainer un blocage des loyers : « Le risque, c’est une aggravation du marché locatif : certains propriétaires ne loueront plus, d’autres n’investiront plus pour rénover leur logement. À quoi bon améliorer la qualité d’une location si on ne peut pas en revoir le loyer ? ».
Une mesure « d’urgence » avant la loi
Mais ce n’est pas l’avis du gouvernement qui considère que l’encadrement des loyers va donner un coup d’arrêt à la hausse incessante des prix. Pour Cécile Duflot, l’objectif est de « mettre fin à l’emballement des loyers, mais aussi de faire en sorte que des loyers aujourd’hui insupportables dans certaines zones comme l’Ile-de-France ou la région PACA diminuent ». Cette « disposition d’urgence » constitue une première étape dans le processus de mise en œuvre d’une loi globale, prévue dans le projet du président de la république : « François Hollande avait promis l’encadrement des loyers et c’est dans cet objectif que s’inscrit ce projet de décret ». Ainsi, la ministre du Logement a pris les devants en attendant une loi qui ne sera effective qu’à la suite de concertations avec les différents acteurs du marché.
Parmi les points qui seront notamment discutés, la mise en place, défendue par le gouvernement, d’un observatoire des loyers afin de définir des prix moyens par zone pour des biens comparables. Selon le modèle allemand, ces tarifs de référence ne pourront pas être dépassés par les bailleurs.
Le contrôle en Europe
Si pour Cécile Duflot ce système a « montré son efficacité », la réalité apparaît plus contrastée dans les pays qui appliquent une régulation. Ainsi, Outre-Rhin, si le loyer est supérieur de 20 % aux prix du marché, le locataire peut attaquer le propriétaire en justice. Néanmoins, peu d’actions sont engagées et si les loyers sont effectivement moins chers dans les villes allemandes, c’est surtout parce que l’offre est quasiment aussi importante que la demande. Un dispositif similaire existe en Suisse à la différence que les loueurs sont dénoncés à une autorité de conciliation composée d’un juge et de représentants de locataires et de propriétaires. Là encore, le nombre de contestations est faible.
En Suède, c’est un office municipal du logement qui négocie chaque année les loyers avec les locataires du secteur public. Les bailleurs privés sont contraints de ne pas dépasser le prix référence de plus de 5 %. Mais l’année dernière, la Commission européenne a obligé la Suède à revoir cette régulation, jugée comme un obstacle à la libre concurrence. Quant aux Pays-Bas, en fonction de la valeur locative d’un logement (superficie, équipement…), des points sont attribués et leur nombre détermine le montant du loyer maximum. Un système rigide qui a entraîné une chute considérable des biens proposés à la location dans le secteur privé.
Si Cécile Duflot a voulu réaffirmer la volonté du gouvernement avant l’échéance des élections législatives, ce premier pas vers l’encadrement des loyers n’est pas passé inaperçu, surtout auprès des opposants à la mesure qui craignent un ralentissement des investissements immobiliers locatifs dans un contexte de pénurie de logements. Les prochaines négociations promettent d’être longues…
Patrick Chappey – © 2012 Gererseul.com
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